LA CULTURE DE LA PIÈCE

Au début vint le jeu et surtout le plaisir de jeu! En arcade, le plaisir de jeu vient par l’accomplissement: en allant le plus loin possible. On ne peut parler d’accomplissement sans parler de franchissement d’obstacles, d’entraînement et inévitablement d’échecs.

Dépasser ses propres performances, s’améliorer pour gagner en maîtrise, ça veut dire avoir été confronté à la frustration, à ce sentiment d’être désarmé. En un mot, avoir dû « recommencer ». Certains pourront y voir du sadomasochisme… tout à fait!

Personne ne finit un jeu d’arcade du premier coup. Tout simplement parce que ce n’est pas le but du développeur, et qu’un jeu se doit d’apporter de la nouveauté, de l’imprévue. Pour le développeur, votre mort est son fond de commerce; et il fera tout pour ça. Si vous mourrez rapidement : c’est NORMAL.


Personne ne naît superplayer! Nos dons génétiques n’interfèrent pas dans la strate du commun des mortels. Nous partons tous de la même base, certains iront juste plus loin. On aura tendance à penser qu’un joueur qui finit tous les jeux avec un crédit aura plus de satisfaction que nous qui ne passons pas le stage 2. Ceci est faux. Je dirais même qu’à lutter plus longtemps à passer un niveau on en savoure que mieux la victoire.


Mais taillons dans le gras directement: le plaisir ne viendra JAMAIS en pressant le bouton CONTINUE! Il ne viendra jamais car « continuer » ça veut dire zapper l’échec, accéder à la simplicité, la passivité, l’ennuie… et on ne prend pas de plaisir dans l’ennuie. On prend du plaisir à sortir de l’état de légume, mais pas à l’entretenir. C’est précisément ça que vous faite en cochant YES, vous jardinez votre état anémique. BRAVO!

C’est vrai qu’aujourd’hui les salles d’arcade ne sont plus à chaque coin de rue. Les jeux de bar, de café, de forains se sont invités dans nos intérieurs. Jouer à l’arcade sur une borne ou un supergun chez soi est devenu accessible à qui s’en donne les moyens. Toute une génération de frustrés de la pièce de 1, 2, 5 et 10 Francs peuvent jouer chez eux GRATOS. Et forcément, quand c’est gratuit, ça ne coûte rien de faire Continue.


On va faire quelques calculs simples, presque du niveau de « j’ai 5 carambars j’en retire 1 combien m’en reste-il? ».

Imaginez-vous, 1987, on vous a filé une pièce de 5Fr pour aller jouer au café, celle-ci vient s’ajouter à celle de 5Fr que vous aviez déjà piqué dans le porte-monnaie de vos parents.

Si vous ne voliez pas d’argent à vos parents c’est que vous n’aviez jamais joué à l’arcade!


Vous arrivez dans le bar, il y a un flipper, deux bornes d’arcade. Vous êtes jeune et con mais vous n’êtes pas bête, vous n’avez pas encore eu de cours d’Économie mais vous savez que vos deux pièces il va falloir en profiter.


Vous vous dirigez donc vers les bornes. Vous choisissez un jeu d’ « avion », l’autre est un jeu de foot. Vous êtes déjà dans la peau du pilote, savez déjà que vos crédits seront intégralement lâchés dans cette borne, il vous faudra au moins ces deux pièces pour mener à bien votre mission : car rappelons le, vous ne naissez pas avec la science du ALL CLEAR dès le premier crédit.

Vous sortez votre pièce, votre main tremble et ordonne une dernière fois à votre cerveau si ce choix est le bon. Après un bref coup d’oeil à droite et à gauche il vous donne son accord. Vous introduisez la pièce… elle revient! Une pièce de 5Fr dans l’emplacement pour 10Fr… Mettons ça sur le coup du stress. C’est la première fois que vous jouez à l’arcade après tout.

Ça y est, c’est parti, vous avez mis votre crédit, la musique vous tabasse les oreilles, vous sentez presque le vent, vous et le pilote. NON ! VOUS ÊTES le pilote!

Le premier crédit se termine. Pas mal, vous avez tenu 1min30, vous n’avez découvert qu’à la fin qu’il y avait un bouton pour tirer. Du coup, déconcentré, vous avez regardé vos mains pour savoir d’où ça venait, mettant par la même fin à votre dernière vie.

CONTINUE YES – NO ?

YES : PouAHhh c’est clairement mieux en tirant! Mais bon, bouger et tirer en même temps c’est quand même pas évident, d’autant que le jeu devient vraiment dur. Bref, vous mourrez au bout d’une nouvelle minute.

NO : Vous avez décidé de refaire une partie de ce jeu depuis le début. Ou peut-être n’avez vous tout simplement pas eu le temps de sortir la deuxième pièce de votre poche surpris par ce message « Continue ». C’est bon ce coup-ci vous avez compris : vous mourrez néanmoins au bout de deux minutes.

Pourquoi, dans le cas ou je mets un continue, je joue moins longtemps ?

Tout simplement car le jeu, de par sa nature d’être un jeu, devient forcément de plus en plus dur au fur et à mesure que vous progressez. Quel serait l’intérêt pour un exploitant de vous présenter un jeu complètement linéaire et répétitif qui vous laisserait jouer pendant vingt à quarante minutes avec un seul crédit ? Aucun ! Si on considère que tout le monde joue 1min30, il y a une différence entre gagner 5Fr et un joueur de 20min et 65Fr avec treize joueurs de 1min30.

Et si l’exploitant n’y gagne pas, il n’achètera pas le jeu et le développeur ne se fera pas d’argent. Tout est lié et au final on peut dire que tout le monde travail contre vous.

Si nous comptons bien, avec le continue vous auriez joué 1min30 plus une nouvelle minute. Nous arrivons à 2min30 au total. Chose indéniable, pendant ces 2min30, vous avez pris du plaisir !

Sans le Continue vous auriez joué la même 1min30 plus deux nouvelles minutes. Ce qui pousse à un total de 3min30.

Il est fort probable que vous seriez arrivé moins loin qu’en ayant mis une continue mais vous avez battu votre précédent record! Vous n’êtes pas mort au même endroit mais 30sec après. Et ça, ça vous file encore plus de plaisir.

Ce que je dis ce serait pareillement appliqué si vous aviez choisis le flipper et à mon grand regret également pour le jeu de foot. En ne mettant pas de continue vous gagnez à tous les points! Vous jouez plus longtemps, vous vous améliorez et donc fatalement vous prenez du plaisir à battre vos records.


Je ne suis pas le premier à parler du plaisir de ne pas « Continuer ». Mais il faut bien avouer, qu’en Occident, les pratiques de l’arcade ont évolués.

Si à l’époque nous pouvions dans une salle d’arcade regarder les autres jouer pour ne pas refaire les même erreurs, à la maison il devient très compliqué de trouver quelqu’un jouant mieux que nous. Avec les sites web, il est super simple de trouver une vidéo d’une personne qui retourne le jeu. Ce n’est pas les conditions du « live », car on sait que le type va finir le jeu en 1 crédit, et on sait qu’il ira plus loin que nous à un moment donné. Ceci dit cela ne remplace en rien l’expérience de voir de visu. En effet ces vidéos ne vous donnent pas toujours accès à une vidéo montrant les mains sur le panel. C’est cette démonstration qui dans la plupart des cas vous aurait aidé à visualisé l’action à l’écran ET l’action à réaliser.

Afin de garantir votre plaisir de jeu, ne regardez que par petites tranches ces vidéos. Sous entendu ne vous « spoiler » pas tout. Vous mourrez au bout de 2min, regardez jusqu’à 2min30 par exemple. Mais par pitié, si vous consentez à adopter les règles des jeux d’arcade… ne filez pas voir une vidéo au premier échec. Laissez-vous le temps d’essayer, de perdre, de recommencer. Certes ça sera moins rapide, mais votre plaisir n’en sera que décuplé.

J’ai quelques PCB d’arcade à la maison, et pour la majorité d’entre-elles je ne dépasse pas le niveau 2; et je n’ai pas non plus regardé sur internet la tête qu’avait le niveau 3. Tout ceci dans l’idée de prolonger le plaisir de la découverte, de recréer l’excitation que j’aurais pu avoir à la sortie du jeu.


On ne joue pas à un jeu d’arcade pour voir une cinématique de fin, on joue pour battre le jeu. Heureusement d’ailleurs car il n’y en a quasiment Jamais !


Tout simplement car une cinématique c’est du temps de perdu, et comme nous l’avons vu avec mes deux crédits : le temps, c’est de l’argent (et du plaisir).

Alors retirez les modes Free-play, réglez votre jeu sur CONTINUE OFF, rebranchez vos monnayeurs et redécouvrez vos jeux!

DIE AND RETRY as way of life!

T.P. aka Dracoel

Une réflexion sur « LA CULTURE DE LA PIÈCE »

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